Football and I


Foot, beers and rock and roll
 
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Match retour : Manchester – Morrissey

”Oh Manchester, so much to answer for…” chantait Morrissey.

Deux clubs de foot ultra puissants, des milliers de lads, des centaines de groupes de rock, chacun étant bien évidemment le meilleur du monde, 9 tonnes de cheveux gras coiffés au bol, un taux de précipitation supérieur à celui de Brest, tout ce beau monde dans une ville historiquement ouvrière et sinistre – et même véritable symbole de l’industrie textile au 19ème siècle. Mais ça, c’était avant l’Haçienda, avant Gary Pallister, avant Simply Red, et avant les Smiths qui furent l’un des groupes les plus influents des années 80.

Originaires de la banlieue de Manchester, les 4 membres des Smiths se démarquaient des groupes hédonistes et superficiels de l’époque (on pense très fort aux clinquants Duran Duran et aux ridicules Spandau Ballet). Le répertoire des Smiths, nom volontairement banal et référence directe à Patti Smith, proposait des titres à la fois drôles, mélancoliques et d’une évidente sincérité.

Morrissey chanteur et leader du groupe désormais séparé s’inscrit dans une lignée de grands paroliers anglais comme Ray Davies des Kinks, David Bowie ou Jarvis Cocker de Pulp après lui… Il s’est payé le luxe de prendre les charts d’assaut avec des thèmes sulfureux rarement employés dans le format traditionnel des chansons pop de 3 minutes : l’activisme végétarien, l’anti-royalisme, l’imagerie homosexuelle ou encore la place de la classe ouvrière dans la société anglaise.

Le Moz à Manchester
Le Moz à Manchester

Une référence plus surprenante revient avec constance dans son univers : le foot.
Difficile d’imaginer le parfait chantre du spleen anglais, icône vivante de la pop culture vider pintes sur pintes dans un bistrot pour mieux encourager Frédéric Piquionne après une volée pas cadrée lors d’un Bolton – Queen Park Rangers. Pourtant, de sa terne jeunesse dans la banlieue ouvrière de Salford où il supportait Manchester United, à sa rencontre récente avec le Bad Boy du foot anglais Joey Barton, en passant par les concerts en tenue complète des Shivas de Los Angeles, il ne reste guère de doute quant à l’intérêt du « Moz » pour le foot. Ou aux mauvais garçons qui essuient leurs crampons sur les autres, au choix.

Sa légendaire fascination pour la violence juvénile, il la porte sur lui, avec ses T-shirts à l’effigie de West Ham, club dont la fierté principale serait d’abriter en son sein les hooligans les plus violents du pays.

Morrissey en short
Life is too short

S’il l’on voulait trouver d’autres connexions entre le sport fétiche de Franck Leboeuf et l’héritier pop d’Oscar Wilde on citerait pêle-mêle des titres tels que « Sweet and Tender Hooligans« ,
« Frankly Mr Shankly » du nom de Bill Shankly célèbre manager de Liverpool, « Munich air disaster » sur le crash aérien faisant disparaitre la jeune et prometteuse équipe de Manchester en 1958 ; ou enfin la photo du joueur anglais Terry Venable tirant la langue en couverture du single Dagenham Dave.

Le foot a donc gardé une place dans la tête et le coeur du chanteur dépressif et lettré. En même temps quel intellectuel aussi sérieux et sage soit-il pourrait rester de marbre devant la grande équipe de Manchester de l’année 99 vainqueurs à l’ultime seconde de la ligue des champions face au Bayern.

A bien y réfléchir le football est l’un des derniers liens de Steven Patrick Morrissey à son milieu ouvrier, prenant ce sport pour ce qu’il est, un mélange de spectacle, de violence, d’esthétisme et de drame. D’ailleurs la partie la plus arty de son public se garde bien de mettre en avant cet intérêt pas très glamour pour le ballon rond. On n’échappe pas à son milieu, du moins pas totalement.
Supporterism begins at home

Barbarism begins at home – The Smiths – 1985